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"La Péniche Alternat" (Paris) - Le 21/10/2006
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Chroniqué par Bidutchou

Suite à moults retards (liés à une incompréhension entre l’orga et la péniche) , nous rentrons dans l’Alternat’ sur les coups de dix-huit heures.

Le premier groupe est Judas et ses potes. Pour les avoir déjà vu jouer, je décide de ne pas rentrer immédiatement, surtout qu’il ya embouteillage à l’entrée de la péniche. Cependant, de là ou je suis assis, j’entends plutôt clairement la musique. Je commence même à reconnaître les chansons ! Le groupe a pour lui l’énergie et la motivation propres aux jeunes formations. Cette motivation se manifeste par ce concert, qu’ils ont organisé avec leur asso Piyou’n kay. Six groupes pour six euros, et quels groupes ! En ce qui concerne leur musique, y’a de la recherche, on sent qu’ils ont des bonnes idées de mélodies. Mais en concert, ils ont manifestement un problème de rythme. Et puis y’a des textes avec lesquels je suis vraiment pas d’accord. Rien de méchant, mais bon. Je sais pas si c’est lié à la jeunesse des membres, mais ça mérite discussion.

Les Judas finissent leur set et laissent la place aux Piranhas. Je ne compte déjà plus le nombre de fois où je les ai vu, mais c’est toujours rafraichissant. Leurs chansons sont toujours innovantes, avec plein de mélodies et de petits trucs qui font que c’est mieux que d’autres groupes. Des percus supplémentaires, un violon, des textes bien trippants et vraiment pas cons. Avec autant d’instruments sur scène, il peut être difficile de jouer en rythme, mais ce soir là, les Piranhas s’en sont sortis sans fausse note. Ca s’est ressenti dans le public qui était surmotivé. Le pogo était d’une rare intensité et ça n’a pas manqué au chanteur qui a remercié cet enthousiasme. Les dernières chansons ont été saupoudrées de quelques échanges verbaux subtilement acerbes entre le chanteur et une damoiselle croisée à un concert, trois jours plus tôt. Pour la petite histoire, cette personne (et d’autres) avait dépensé 5 euros pour entrer à un concert de Guerilla Poubelle et leur jeter des œufs. Le chanteur des Piranhas, qui était présent au même concert (tout comme moi), n’a donc pas oublié de la taquiner à l’aide d’une dédicace dans la chanson « 8 32 32 » : « j’envoie ‘radio’ pour écouter Guerilla ».

Après toute cette bonne humeur, voici venu le tour de Criança. Je connaissais un peu le groupe avant de le voir, et je n’ai pas été déçu de l’énergie transmise en concert. Je n’ai pas assisté à beaucoup de chansons car j’avais envie de prendre l’air. Et puis je savais que je me rendrai à un autre de leur concert quelques jours plus tard. Je vais donc synthétiser l’impression que j’ai eu à ces deux concerts, pour essayer de vous donner envie. C’est du punk rock bien speed, avec une voix cassée comme je les aime. Pas une voix Oi, attention. Juste une voix erraillée et plein d’aspérités, le genre de truc qui me plaît. En plus les textes sont biens, les mecs se prennent pas la tête et le chanteur a un certain charisme lorqu’il veut bien parler un peu avec le public. La cerise sur le gateau sont les quelques morceaux en Portugais (je crois, j’ai pas trop reconnu la langue) qui tabassent vraiment et qui donnent un côté Guarapita fort plaisant.

Les Déserteurs enchaînent. Pas de répit entre les groupes car le timing est carrément serré. Ce groupe est plutôt attendu : ils viennent du Gard et je crois que c’est leur premier concert à Paris. Ils aiment se désigner comme un groupe de Punk libertaire, histoire de rappeler que tout ce qu’on fait ce soir est plus ou moins politique. Le chanteur de ce trio possède une voix vigoureuse véhiculant la véhémence de leur verbe. « Cette chanson est dédiée aux anarcho-syndicalistes » clame-t-il soudainement. Malheureusement, il semble que beaucoup des cénétistes présents poireautent dehors, en attendant Brixton Cats. Dommage pour eux, ils manquent juste un moment de fougue et d’idéalisme qui fait chaud au cœur. « J’entends au loin le chant des libertaires ! ». Yihaa ! Le pogo reprend de plus belle et s’emballe sur la chanson de fin : une reprise des Bérus. « Tu as déserté hier ! Camouflage militaire »...

Le prochain groupe à jouer est Brixton Cats. Je sors prendre l’air et discuter avec mes amis. Je n’ai pas vraiment envie de voir ce groupe. Même si j’aime bien leur musique et leur présence sur scène, j’aime beaucoup moins leur public rasheux. Pourquoi ? Car il ne se bouge souvent que pour Brixton Cats (alors que ce soir, il y a eu quatre groupes avant). Je descends finalement jeter un oeil, pour voir. Mais je suis rebuté par l’attitude générale de la foule, parfois quasi militaire dans son engouement pour les textes. Et au final ça me fait chier, parce que moi aussi j’aime bien la mélodie et les paroles. Elles sont peut-être parfois simplistes, mais plutôt entraînantes. « Debout, debout, belle Palestine ! ». Mais bon, je me sens exclu, je ne suis pas du tout dans le même trip que tous ces gens. Je remonte donc discuter en attendant l’ultime groupe. Mais le set s’éternise. Les Brixton Cats ne semblent pas être au courant qu’il y a encore un groupe derrière. Ils jouent ainsi deux fois plus longtemps que les autres : encore une histoire d’incompréhension avec l’orga...

Mais voilà que cinq individus masqués de rouge et de blanc se présentent et entament une ronde mystique : la Raïa. Comment les définir... C’est la Raïa, un point c’est tout. Forcément ce nom évoque les racines du punk français. Et la filiation saute aux yeux, pas tant au niveau musical, qu’au niveau de la démarche. L’idée de faire la fête domine, quitte à déranger les standards, quitte à briser quelques normes qu’on se refuse à voir. L’anticonformisme musical et les expérimentations sonores de la Raïa ne plaisent pas à tout le monde. La cale se vide, certains sont découragés : il n’y a pas forcément de rythme sur lequel se fixer une bonne fois pour toutes et c’est déstabilisant. De plus, le son un poil trop fort et la fatigue rendent difficile une écoute approfondie. Je décide de rester jusqu’au bout, ça m’intrigue trop. Mais les chefs de la péniche ne me laissent pas ce plaisir et coupent la sono après trois chansons.

Je ne comprend pas immédiatement ce qui se passe. Je finis par me rendre compte qu’on nous pousse vers la sortie. Il est onze heures du soir, et les proprios de la péniche ont prévu une autre soirée : les locataires suivants, fringants dans leurs tenues de soirées, se pressent à l’extérieur. Inutile de discuter, les proprios ne veulent pas écouter les plaintes des membres de la Raïa . Les gars de l’asso Piyou’n kay sont désemparés. Ils savaient qu’ils ne devaient pas dépasser onze heures, mais c’était sans compter les deux heures de retard de la péniche. Nous sommes gentiment priés de sortir. Ca n’est pas foncièrement grave, mais une simple incompréhension peut s’avérer frustrante.
Enfin... La soirée restera une des meilleures que j’ai faite. Il me faut d’ailleurs rajouter que la fanfare « Droit dans le mur » jouait lors des interludes, sur le quai ou à l’intérieur, et ça créait une continuité super motivante. La fête ne semblait pas prendre fin et ça cassait le déroulement classique des concerts. Malheureusement, beaucoup de gens n’ont pas pris autant de plaisir que moi. Pour certains, seul Brixton Cats semblait valoir la peine et je trouve ça dommage. Il faut, je pense, s’ouvrir un peu et laisser une chance à certains jeunes groupes. Je pense à Judas et ses potes : j’ai entendu dire à leur sujet que « ça fait un peu groupe de petits rebelles »... Le truc c’est que sans Judas et leur asso, il n’y aurait pas eu de concert ! Donc on peut leur reprocher pas mal de trucs au niveau de leur technique de jeu, mais ce ne sont vraiment pas des branleurs. Ils auront néanmoins appris à leurs dépens qu’il y a toujours des imprévus, et qu’il ne faut pas avoir les yeux plus gros que le ventre en faisant jouer trop de groupes en un soir.

Continuez à nous proposer des concerts comme ça, moi j’adore !


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