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Histoire du Reggae

D’après le site : Stopzic

50 ans de révolution :

Ska, Rock Steady, Reggae, Dub, Dance Hall, tous ces genres font partie d’une même musique, violente et spirituelle, ancrée dans la réalité. Indomptée.

Après la Deuxième Guerre mondiale, les jeunes Jamaïcains délaissent le Mento, la musique traditionnelle de l’île, pour vibrer au son du Jazz et du Rythm and Blues venus des Etats-Unis. Pour alimenter en disques ces sound systems, ces discothèques mobiles, les producteurs locaux créent leurs propres chansons de R’n B, qui prennent progressivement un style jamaïcain.

Ska, l’euphorie des sixties : cette spécificité jamaïcaine, c’est le contre-temps, c’est-à-dire le beat entre les temps, que les musiciens jamaïcains accentuent par un coup de guitare, de piano ou de cuivre. Cette pompe ou syncope donne naissance au Ska et se retrouvera plus tard dans le Rock Steady puis le Reggae. Le rythme alerte du Ska caractérise l’époque euphorique de l’indépendance, célébrée le 5 Août 1962.

Rock Steady, les lendemains qui déchantent : multiplication des ghettos, difficultés économiques, montée de la violence... La musique s’en ressent : le tempo ralentit. Les studios, désormais équipés de magnetos deux-pistes, peuvent enregistrer les voix séparément, lesquelles prennent plus d’importance. La basse électrique remplace la contrebasse. Tous ces changements donnent naissance en 1966 au Rock Steady, aux accents maussades et contestataires.

Reggae, à l’assaut de Babylone : "Le Ska est rapide, le Rock Steady est doux. Et le Reggae est dur." Ces propos de Bob Marley résument parfaitement la nouvelle donne musicale dans l’île. Le rythme s’est à nouveau accéléré en 1968. Dérivé du terme "streggae", qui désigne une femme de petite vertu, le reggae fait la part belle à la basse et à la batterie. Les textes des chansons sont plus revendicateurs. Le dub (dubbing reggae) devient populaire : les versions instrumentales des chansons sont remixées avec des effets sonores. Le pouvoir appartient aux ingénieurs du son tels King Tubby ou Lee Perry. Au début des années 1970, le reggae se fait encore plus âpre : le tempo ralentit, la basse devient omniprésente, les thèmes rastas se répandent.

Dance Hall, l’entrée dans l’ère digitale : dans les années 1980, avec la rythmique (riddim) Sleng Teng, le producteur King Jammy fait entrer le reggae dans l’ère digitale. Cette musique numérique baptisée ragga ou dance hall, fait le bonheur des DJ (ou toasters), qui, en Jamaïque, animent les sound systems, non pas derrière les platines mais avec le micro. Beaucoup d’entre eux font l’apologie du sexe (slackness) et des armes. Mais dès la fin des années 1980, des chanteurs et DJ, souvent rastas, reviennent à des propos "culturels" (consciousness). Qu’ils soient hardcore ou roots, les artistes recyclent les meilleures mélodies du passé, une pratique courante dès les années 1950.

La Jamaïque a bouleversé la musique moderne en y insufflant un son original et révolutionnaire, qui a perpétuellement évolué depuis les années 1950. Qui plus est, les Jamaïcains ont inventé la fonction de DJ, devenue centrale pour le rap, la techno, le trip-hop ou le drum’n bass.

Le Reggae en France :

Depuis quelques années en France, le reggae est sorti de son circuit "underground" pour s’adresser à un plus vaste public. Analyse d’un phénomène dont rendent encore peu compte les grands médias nationaux. Longtemps confiné à un cercle d’aficionados, le reggae a trouvé depuis cinq ans en France un terreau fertile à son essor. A tel point que la France est devenue l’un des tous premiers marchés pour le reggae en Europe et au monde.

L’écrasante majorité des Français s’est familiarisée avec ce rythme jamaïcain à la fin des années 70 (1), principalement grâce à Bob Marley bien sûr et à Serge Gainsbourg et sa Marseillaise reggae. Il faut attendre les années 90 avec Tonton David puis Pierpoljak pour que le reggae atteigne le sommet des charts. D’autres artistes français bénéficient de l’intérêt croissant du public pour le reggae : Nuttea, Lord Kossity, Brahim, MC Janik, Jacky & Ben-J, K2R Riddim, Niominka Bi, Zenzile, Sergent Garcia, Massilia Sound System, Sensimilia, Tryo, etc. Quant aux reggaemen jamaïcains, ils ont trouvé en France un public chaleureux et connaisseur (2). Créé il y a dix ans, le Garance Reggae Festival, qui réunit sur scène la crème des artistes reggae, fait chaque année salle comble à Bercy, avec une moyenne de 17.000 spectateurs, et dans les grandes villes de France où le festival se produit.

A côté de ce circuit "grand public", se maintient un milieu plus "underground", réservé aux connaisseurs, de plus en plus nombreux. Ils découvrent les nouveautés de Kingston sur des radios indépendantes (comme Nova ou Générations à Paris) ou dans la presse spécialisée (Reggae Massive, Ragga, Natty Dread, Radikal, L’Affiche...) ; se retrouvent dans les soirées animées par des sound systems ("discothèques" mobiles avec deejay au micro, selector et operator derrière les platines) et se fournissent en son auprès de disquaires importateurs. Fanny Feeny a ouvert à Paris, en 1982, le Blue Moon, l’un des tout premiers magasins de disques consacrés au reggae. "Au départ, nous étions peu nombreux sur ce créneau ; aujourd’hui, il existe une dizaine de disquaires spécialisés à Paris. La demande est plus importante depuis cinq ans. Avec le dancehall (ragga), le reggae est devenu plus urbain donc plus proche du rap, attirant une nouvelle clientèle, plus jeune". Même constat à Lille, Marseille, Montpellier ou Lyon, où les disquaires spécialisés réalisent 80 à 90% de leurs ventes sur des imports jamaïcains de dancehall - des vinyls essentiellement car la majeure partie de la production jamaïcaine est enregistrée sur ce support (45 tours surtout). Reste que le succès du reggae en France trouve peu d’écho dans les grands médias français. Ce décalage, le rap hexagonal en a longtemps souffert avant de s’imposer. L’avenir dira si le reggae obtiendra une reconnaissance de la même importance.

Aphros - http://www.aphros.fr.st