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Il faut repeindre le monde

Guerilla Poubelle




Chroniqué par Bidutchou

J’ai un CD tout vert entre les mains : on y voit la photo d’une barre HLM, la photo d’une réalité travestie par la brume verdâtre des cités modernes. C’est le premier album des Parisiens de Guerilla Poubelle, et on peut dire qu’il s’est fait attendre.

« Il faut repeindre le monde... », en noir bien évidemment. En lisant ce titre, je ne peux m’empêcher de penser aux Béru : « Tant qu’il y a du noir, il y a de l’espoir ». Il n’y a évidemment aucun clin d’oeil volontaire, mais je fais facilement des parallèles avec des références lorsque j’aime les choses.

Car oui j’aime cette galette de plastique, c’est tout simplement un bel objet. Beau par son esthétisme d’abord, beau par son authenticité également (ou du moins sa sincérité).
Il est vrai que Guerilla Poubelle est loin de faire l’unanimité dans la « scène punk » que je fréquente, ils seraient trop « skate punk » soit disant. Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Des étiquettes chez les punks ? C’est nouveau ça ! Moi j’aime, c’est comme ça, on ne choisit pas ses goûts et son ressenti, on les a c’est tout. C’est vrai qu’ils se traînent un public majoritairement (trop) jeune, con et apathique, mais ils ne l’ont pas choisi. Ils ont mûri depuis les Betteraves, leur public a stagné. Bref.

J’ouvre le boîtier. Premier plaisir : avoir du mal à retirer le livret des encoches tellement il est épais. Ca veut rien dire je sais, enfin si, ça veut dire que les mecs ont plus que de la musique à partager, c’est bien. Je feuillette rapidement, c’est beau, de jolies photos et illustrations, quelques mots qui retiennent mes yeux, « l’anarchie c’est l’ordre, la déception est une arme, la bourgeoisie c’est l’attitude ». Phrase énigmatique, métaphorique, peut-être abstraite... Elle résume l’état d’esprit du CD.
Je suis agréablement surpris de constater que le livret ne contient pas que les textes, il y a quelques réflexions également, trop brèves à mon goût, qui complètent l’univers du groupe : on est pas dans la consommation, on est dans le partage.

Mais le partage de quoi ? C’est quand même le but d’une chronique de l’expliquer.

En écoutant ces 20 titres, on partage du punk. C’est-à-dire des idées avant tout : surtout pas de manifeste politique, mais un état d’esprit, une façon de concevoir le monde et la musique, un nihilisme teinté d’espoir (waouh j’ai réussi à caser un oxymore dans ma chronique).
La musique quant à elle est un peu plus « banale » mais on prend vraiment son pied en écoutant les mélodies. On peut les comparer à celles des groupes de hardcore mélodique américains. Mais du vrai hardcore, pas de la soupe commerciale actuelle textuellement débile qui fait fureur chez les jeunes skateurs branchés.
Les accords de la guitare sont clairs, nets, appuyés, puissants. La batterie génère un rythme haletant. La basse est bien là, bien présente (putain que c’est rare !), elle donne la profondeur, c’est le rôle naturel d’une basse mais on ne l’entend pas assez dans beaucoup de groupes. Le contraste se fait : alors que la guitare et la gueulante de Till partent un peu dans tous les sens, la basse de Koj reste sobre. On a comme l’impression que ces instruments sont l’extension de la personnalité des zikos, quiconque a vu le groupe en concert comprendra ce que je veux dire. Le son est nickel, les instrus et la voix sont bien dosés, c’est harmonieux et ça fait plaisir.

Côté textes, tout le monde en prend pour son grade : qu’on soit un extrémiste anarcho-punk presque snobinard, une fashion victim consommatrice et consommable, un petit skateur pseudo rebelle débile, un industriel de la culture sans saveur... La remise en question doit être générale, il n’y a pas une critique unilatérale et ciblée. Les chansons, toujours métaphoriques, parfois abstraites, vous en envoient plein la gueule tout en construisant un univers. Les Béru faisaient ça aussi... Je sais, je sais, la comparaison est risquée.

Bref, c’est du punk parce que c’est DIY et sincère. Une démarche alternative honnête, y’a que ça de vrai. Chacun lutte à son échelle et c’est toujours mieux que de ne rien faire du tout. Pas besoin de poser des bombes pour être punk.
Et puis de toute façon, « punk is dead », « ceci n’est pas du punk ».

P.S. : « Si vous gravez ce disque à un(e) ami(e), dessinez lui une belle pochette. Merci » (c’est eux qui le disent).

 : pour poster un commentaire sur ce disque.

Date de sortie : 13 Juin 2005

Label : Crash Disques

Playlist :

  1. Si jamais
  2. La fin suffira
  3. Météo
  4. Demain il pleut [mp3]
  5. Sur le trottoir
  6. J’ai perdu mes mains
  7. L’horreur est humaine
  8. Le pendu
  9. Comme un sourire [mp3]
  10. Errare humanum est
  11. Culture poubelle
  12. Finir sans raison
  13. La révolution pour les lâches [mp3]
  14. Mort à l’hôpital
  15. Exception culturelle et traffic d’armes
  16. Angoisse enroulée
  17. Tout est niais
  18. La mort douce
  19. Pour quelques points de fidélité
  20. Punk elite uber alles


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